Vanter la neutralité carbone du Mondial de football 2022 sans pouvoir la démontrer est « déloyal », estime, mercredi 7 juin, la Commission suisse pour la loyauté (CSL), qui « recommande » à la FIFA d’abandonner à l’avenir ce type d’affirmation.
L’autorité indépendante a « approuvé les plaintes » des associations environnementales Notre affaire à tous (France), l’Alliance climatique (Suisse), Carbon Market Watch (Belgique), Fossil Free Football et Reclame Fossielvrij (Pays-Bas) ainsi que du think tank New Weather Institute (Grande-Bretagne) dans une décision prise lundi et communiquée mercredi.
En pratique, la CSL n’inflige pas de sanction et n’impose pas de rectificatif à l’instance mondiale du football, mais son jugement est un camouflet pour la communication environnementale de la FIFA, ainsi qu’un avertissement pour celle des grands événements sportifs à venir – JO 2024 de Paris en tête –, de plus en plus scrutés sur ce sujet.
Car l’autorité suisse n’examine pas de manière détaillée le bilan environnemental du tournoi qatari (20 novembre-18 décembre 2022), décrié depuis des années en raison de sa tenue dans un micro-Etat aride et dépourvu des infrastructures requises, qui a donc dû construire sept des huit stades utilisés et les climatiser.
« Impression erronée et fallacieuse »
Dans une décision de portée bien plus large, la Commission suisse pour la loyauté rappelle qu’il n’existe pour l’heure « aucune méthode généralement acceptée » pour estimer les émissions carbone d’un événement ainsi que pour contrôler leur « compensation » par les organisateurs – par exemple par des plantations d’arbres, dont l’impact est scientifiquement discuté.
« S’y ajoute le fait » que la FIFA n’a pas assez clarifié « le futur processus prévu pour pouvoir atteindre ultérieurement la neutralité climatique », donnant « l’impression erronée et fallacieuse » selon laquelle le Mondial qatari « aurait déjà atteint la neutralité climatique ou la neutralité carbone avant et pendant le tournoi », poursuit la décision.
L’autorité suisse juge que l’instance du football aurait dû « montrer de manière transparente » qu’une éventuelle compensation complète des émissions du tournoi ne pourrait être réalisée « qu’à l’avenir, lorsque des conditions concrètes ser[aie]nt remplies », en apportant une « preuve (…) crédible » des moyens employés pour atteindre cet objectif.
Contactée par l’Agence France-Presse, la FIFA explique « analyser les raisons de cette recommandation, qui reste susceptible d’appel », et se dit « pleinement consciente que le changement climatique est l’un des défis les plus urgents de notre époque », qui « requiert de chacun de nous une action climatique immédiate et durable ».
« C’est un signal très fort qui est envoyé aux organisateurs de grandes compétitions internationales », se réjouit, de son côté, Jérémie Suissa, délégué général de Notre affaire à tous, dans un communiqué de l’association française. « Il n’est plus possible de concevoir des événements climatiquement absurdes tout en prétendant être neutre en carbone. »
Les organisations plaignantes, qui avaient lancé leur offensive conjointe en novembre 2022 dans leurs pays respectifs avant que la procédure ne soit regroupée en Suisse, envisagent désormais de saisir « d’autres juridictions », précise le communiqué.
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